Si dans l’article précédent, nous avions donné un cadre stratégique en cartographie MSGU par noms de lieux, dans celui-ci, nous donnerons quelques notions qualitatives et techniques de recherche de cette information. Cet article n’a pas pour but de recenser tous les outils et méthodes existants mais de donner des pistes accessibles à vos volontaires. Nous ne parlerons que des outils gratuits de recherche d’informations sur le web et plus particulièrement sur les médias sociaux dans le but de restituer aux secours un bon état de la situation des dommages sur la zone impactée.
I/ Notions qualitatives de recherches MSGU sur les dommages
1/ Comprendre la notion d’impact
a/ Les désagréments du quantitatif sur le qualitatif
Comme nous l’avons plusieurs fois constaté en intervention, même si les volontaires remontent beaucoup d’informations pertinentes, une partie conséquente de cette information se révèle de faible qualité et ne revêt que très peu d’intérêt au regard des missions de secours.
Par exemple, il ne sert à rien de remonter aux secours les informations sur le passage d’une zone en vigilance rouge ou des consignes de sûreté à la population données par la préfecture car ils les connaissent déjà. Cela ne fait donc que polluer inutilement le flux d’activité de votre ESOV (Equipe en soutien opérationnel virtuel) vers les secours en y noyant l’information de qualité. Néanmoins, c’est une information qui doit être rediffusée à la population si votre ESOV prend en charge cet aspect informatif.
De même, dans le cas de nombreuses informations sur la situation, le risque que vos volontaires reportent un maximum d’informations pour montrer qu’ils sont très actifs n’est pas négligeable et peut nuire également à la qualité du fil d’informations que vous proposez aux organisations d’urgence. Ces dernières pourraient alors se retrouver en incapacité technique de suivre ce fil et donc de détecter les informations opérationnelles de premier plan. Il convient donc d’abord de faire connaître à vos volontaires ce qu’est une information de qualité à travers la notion d’impact localisé, avéré ou inéluctable, en accord avec le principe stratégique de recherche d’un bon état de la situation en cartographie MSGU (et non d’exhaustivité).
b/ La notion d’ « impact avéré ou inéluctable »
Dans l’attente d’un phénomène dangereux, beaucoup d’informations sur la situation peuvent circuler, n’intéressant pas nécessairement le déploiement des secours. Il est donc essentiel de faire comprendre la notion d’ « impact avéré ou inéluctable ». Un impact se caractérise par un aléa (inondation, explosion, séisme…) occasionnant des dommages à des enjeux (personnes, habitations, infrastructures…). Tant que l’enjeu n’est pas affecté par l’aléa ou sur le point de l’être, il ne sert à rien de le signaler. Ainsi, une montée des eaux (aléa) dans un lit mineur (absence d’enjeux car on n’y construit pas ou de façon préventive) n’est pas un impact. Si cette information peut sembler être intéressante localement, elle deviendra vite obsolète et ne nécessite pas d’intervention d’urgence tant que des débordements n’ont pas été constatés sur des espaces à enjeux. De même, les vidéos d’arbres qui ploient sous le vent mais ne rompent pas n’ont que peu d’intérêt au niveau opérationnel. A l’inverse, un effondrement partiel de digue (enjeu) dans le cadre d’une crue (aléa) est une information à très haute valeur ajoutée car pouvant entrainer d’autres impacts plus importants à l’arrière de la digue. De plus, c’est un dommage structurel qu’il faudra résoudre une fois l’urgence passée.
c/ La notion d’ « impact localisable »
Il est aussi très important de faire comprendre la notion d’ « impact localisable ». Ainsi, une photo de dommage dans un lieu que l’on ne peut pas situer directement ou par recoupement, ne représente que peu d’intérêt au niveau opérationnel. Si cette information non localisée présente un intérêt certain pour les secours, il peut être demandé à la personne publiant l’info de bien vouloir préciser la localisation de son information en entrant en interaction avec elle. Il faut ensuite la diriger vers les consignes de mise en sûreté pour ne pas inciter indirectement ce citoyen à aller au devant du danger pour ramener plus d’informations. Dans VISOV, nous utilisons l’information géographique disponible à l’échelle communale et en dessous. Nous recherchons donc ces informations par noms de communes, et parfois, en centre urbain par noms de quartiers ou de rues, en zones rurales par noms des lieux-dits. A l’inverse, une localisation trop large (généralement au dessus de l’échelon communal comme un département, le nom d’un cours d’eau) est rarement mise en valeur par une équipe de volontaires non issue du territoire en question. Une attention particulière doit être accordée aux images panoramiques localisées montrant des vues de paysages ou des photographies aériennes des zones impactées. Elles permettent de voir l’étendue des impacts et d’y déceler des points d’intérêt importants impactés (hôpitaux, zones industrielles Seveso et autres infrastructures…).
Pour travailler sur les notions qualitatives d’impacts, voici quelques notions ci-dessous :
Prochainement, des exercices de qualification de photos de dommages seront menés dans VISOV afin d’améliorer l’acuité au repérage de dommages par les volontaires.
2/ La mission de détection de signaux faibles d’impacts
Au regard des expériences accumulées par VISOV, la mission de détection des dommages peut s’insérer dans deux contextes, parfois consécutifs : celui de la « détection de signaux faibles d’impacts » et celui de la « restitution globale des dégâts en situation de catastrophe ».
Une approche par détection de signaux faibles convient aux événements que l’on peut anticiper mais dont la prévision de dégâts majeurs demeure incertaine. C’est le cas par exemple de vigilances orange autour de phénomènes de submersion marine, de crues ou d’intempéries. Une veille active et en temps réel sur les médias sociaux permet alors de remonter des informations de première importance sur la situation du terrain. Dans ce contexte, la remontée d’information doit être rapide. Cette information peut être également peu abondante et le travail de recherche sans résultats démotivant pour les volontaires. Il convient donc de les motiver en inisistant sur le fait qu’une ou deux informations détectées peuvent faire la différence pour les secours. Les informations sujettes à caution doivent être également remontées aux organisations d’urgence pour qu’elles les croisent avec d’autres informations disponibles sur la zone. Il est alors privilégié l’information à chaud, à la minute et celle datant déjà de plusieurs heures ne revêt alors que bien moins d’intérêt car ayant été probablement remontée par d’autres canaux. Dans ce cadre, une approche par classeur de déploiement ou par échange au sein d’un chat (Skype, Jitsi…) est privilégiée car elle permet une restitution de l’information bien plus rapide que sur une carte collaborative. Les recherches doivent se baser non seulement sur les images disponibles sur la situation mais aussi sur tout texte et discussion à ce sujet. Si vos volontaires les moins expérimentés peuvent surveiller les mots-dièses à ce sujet, les plus aguerris utiliseront des recherches sans mots-clefs dans le champ lexical de l’événement, parfois avec des synonymes, des participes présents et autres verbes d’action collant à la temporalité de la recherche d’information. Par exemple, alors que les néophytes surveilleront les mots dièses les plus connus comme #inondation ou #crue, vous effectuerez vos recherches sur des verbes comme « inonde » « submerge » « déborde » « inondant » « débordant »….
Selon les possibilités offertes par les moteurs de recherche (généralistes ou des médias sociaux), il est possible de faire des requêtes sur le radical du mot (inond, submerg, débord…). Cette technique d’approche de recherche par radical de mot permet de grouper les recherches et donc de gagner en rapidité.
En détection de signaux faibles, il est souvent possible de planifier ses recherches. Par exemple, lors de l’annonce de la vigilance météorologique ou crue, il est bien utile de repérer les noms de lieux dans la zone potentiellement impactée. Dans un contexte Français, vous pouvez repérer au préalable les communes, les quartiers, les lieux-dits les plus exposées sur les PPR ou signalées comme tels dans le DDRM (Dossier départemental sur les risques majeurs) disponible sur le site de la Préfecture. C’est donc un travail de préparation à effectuer avant le pic de l’événement prévu. Enfin, lors de cette phase, il est conseillé d’utiliser les moteurs de recherche des médias sociaux plutôt que d’autres plus généraux comme Google car l’information est référencée en temps réel dans ces premiers.
3/ Recherches lors d’une mission de restitution globale des dégâts en situation de catastrophe
La recherche MSGU par restitution des dégâts en situation de catastrophe peut succéder à l’approche par détection de signaux faibles dans le cas où l’événement a occasionné des dommages importants sur une zone assez vaste (catastrophe). Si vous n’avez pas été mobilisés lors de la phase de détection des signaux faibles, vous pouvez commencer cette approche dans les 24/48h suivant la catastrophe, voir plus si les dégâts sont immenses. Dans ce cas, l’objectif est de restituer l’étendue des dégâts sur la zone que vous couvrez, avec une priorité à la recherche d’informations fiables et de qualités, intéressant directement l’identification des zones sinistrées et le relèvement des infrastructures majeures. Les informations peuvent être datées de plusieurs heures, voir jours, si vous ne les avez pas encore signalées. Une carte interactive et partagée en ligne de l’étendue des dégâts revêt alors une grande importance pour les autres acteurs, notamment associatifs, souhaitant se déployer sur la zone sinistrée ou pour les citoyens souhaitant des informations à distance. Lors de cette phase, l’information devient progressivement plus abondante, des albums photos entiers, des vidéos, des images satellite ainsi que des rapports et articles entiers deviendront alors disponibles sur des localités.
4/ Recherchez des informations dans votre périmètre de mission.
Enfin, il est nécessaire lors des recherches MSGU de suivre le cadre de mission donné par l’organisation d’urgence, et notamment son périmètre d’intervention. Si les secours vous ont mobilisés sur une zone particulière, il peut être inefficace de reporter des événements hors de la zone que vous couvrez, surtout dans la phase de recherche de signaux faibles. Le risque est d’éparpiller vos forces de recherche et de mettre en valeur des informations qui ne seront pas prises en compte opérationnellement (cas d’une équipe mobilisée par une préfecture et qui rapporte des informations hors de sa zone de responsabilité). Enfin, à plus long terme, cela pourrait nuire au lien de confiance que vous entretenez avec les organisations d’urgence, lien au demeurant difficile à construire et pourtant si précieux pour une prise en compte opérationnelle du travail des volontaires. Savoir que les recherches MSGU sont prises en compte par les secours donne du sens et de l’efficacité aux actions volontaires. Dégrader ce lien par un non respect du cadre de mission peut avoir des conséquences internes et externes extrêmement néfastes sur votre organisation. Personnellement, dans le cadre d’organisations de volontaires qui revendiquent une forte indépendance et qui souhaitent sortir du cadre fixé par les organisations d’urgence en cours de mission, il est important de s’assurer que le nouvel effort sera significativement plus utile pour l’aide des sinistrés. Il faut également discuter avec l’organisation d’urgence que l’on s’apprête à quitter des impacts possibles d’un abandon de mission sur leur propre réponse opérationnelle et donc sur l’aide aux sinistrés dont ils sont responsables.
II/ Méthodes de recherches d’informations géographiques en MSGU
1/ Recherche par noms de lieux
Dans un permier temps, il est nécessaire d’avoir une carte couvrant la zone impactée pour connaître les communes potentiellement affectées. Il convient donc d’avoir sous la main une carte géographique en ligne comme par exemple celle d’OpenStreetMap ou de l’IGN.
Les recherches par noms de lieux s’effectueront sur les moteurs de recherche des médias sociaux, avec un tri par date pour être sûr de ne pas remonter des informations de sinistres antérieurs. Si l’information est abondante et peu ciblée sur la problématique du sinistre, cette recherche peut alors être affinée du type d’aléa.
Pour être plus efficace dans ces recherches d’informations, il peut être envisagé de rechercher en premier lieu les communes les plus proches de la zone d’impact. Par exemple, sur un séisme, il sera pris en premier les communes proches de l’épicentre du séisme. Sur une explosion urbaine, ce sera les quartiers, les rues proches du lieu de l’explosion aussi bien que le nom de la commune. Sur un cyclone, les communes les plus proches du passage de l’œil et les communes côtières au vent susceptibles d’être impactées par les effets de houle et de submersion marine. Sur une inondation, il peut être envisagé de mailler les communes le long des cours d’eau, en fonction du déplacement de l’onde de crue…. Néanmoins, l’information continuera d’émerger de façon décalée sur certaines localités et il faudra rester à tout moment opportuniste pour reporter les informations apparaissant.
Dans la phase globale de restitution des dégâts en situation de catastrophe, le moteur de recherche de Facebook (nommé Facebook Graph Search) est un outil extrêmement puissant et l’information de la population y abonde plus que partout ailleurs. Cependant, Facebook Graph Search n’est disponible pour le moment qu’en version anglophone. Il faut donc aller dans « paramètres » et sur la page « général » qui s’affiche, choisir la langue anglaise.
puis :
Ainsi, il suffira de saisir votre requête en langue anglaise sous la forme :
« Recent photos taken in »+ Le nom de la commune (facultatif +nom du département, région ou pays)
Par exemple, pour les dernières photos à Biarritz :
Le suivi des mots-dièses (hashtag en anglais) autour de l’événement sur certains médias sociaux qui les incluent (Twitter, Instagram, Facebook…) feront également apparaître des noms de lieux utiles à votre problématique. Néanmoins, privilégiez les noms de communes ou de lieux où vous n’avez pas ou peu d’informations ou celles montrant des dommages plus importants ou en d’autres zones que ceux qui sont déjà reportés. Si vous estimez que la situation assez bien couverte sur une commune, recherchez les communes non couvertes.
Exemples avec les colonnes Tweetdeck pour suivre Twitter
Il est également utile de créer une liste des comptes Twitter proches de l’événement comme celui des autorités, de la presse, de passionnés du phénomène… et d’y jeter un œil régulièrement. Ces listes doivent apparaître dans le classeur de déploiement.
2/ Recherche par positions GPS
Les informations GPS, c’est-à-dire avec une latitude et une longitude précises sont précieuses en localisation d’incidents car elles permettent souvent de déterminer une position plus précises qu’une recherche par noms de lieux. De plus, ces localisations permettent de faire la différence entre ceux qui parlent de la catastrophe et ceux qui la vivent.
Néanmoins, peu de médias sociaux utilisent par défaut les coordonnées GPS (Waze, Foursquare pour les plus connus) ou quand cette option est proposée, seulement une minorité d’utilisateurs les activent. Si cette option est activée, on retrouve notamment ces coordonnées GPS sur Twitter, Instagram, FlickR…
Voici quelques techniques pour extraire ces coordonnées GPS.
a/ Les coordonnées GPS Twitter avec EasyGeoTweet.
EasyGeoTweet est une application libre que j’ai développée et qui permet de trouver les tweets de personnes se géolocalisant sur Twitter dans un rayon donné. Elle est compatible avec le navigateur Firefox et quelques autres mais pas avec Internet Explorer.
Lien vers l’outil :
https://www.i-resilience.fr/app/easygeotweets/
Pour plus d’informations :
b/ Les photos Instagram géolocalisées par GPS avec IFTTT
Il est possible de se faire envoyer par email toutes les photos Insatgram prises sur un lieu, assez restreint au demeurant. Pour cela il faut aller sur le site https://ifttt.com et se créer un compte. La démarche à suivre est expliquée dans l’article suivant :
https://www.i-resilience.fr/2014/03/trouvez-les-photos-geolocalisees-sur-instagram-via-ifttt-msgu/
Malheureusement, pour une détection par signaux faibles, il faudra envisager un délai moyen d’environ 20 à 30 minutes entre le moment de publication de l’information et son arrivée dans votre boite email.
Cette technique peut être employée pour les mots-dièses localisés ou relatifs à l’événement.
Il peut aussi être utilisé Gramfeeder (http://www.gramfeed.com/instagram/tags#inondation) sur ce point précis.
c/ Les photos géolocalisées par GPS sur FlickR
Lors de l’importation des photos d’un appareil numérique dans la galerie photos d’un abonné FlickR, le site récupère les données GPS des photos et propose si besoin de les mettre sur une carte automatiquement. Il est aussi possible que l’utilisateur localise lui-même ces photos sur une carte.
d/ Récupérer les coordonnées GPS dans les données EXIF des photos de forums, blogs et sites web.
Enfin, les appareils photo des smartphones munis de GPS enregistrent les coordonnées GPS dans les informations Exif de la photo. Malheureusement, la plupart des médias sociaux les suppriment lors de la mise en ligne. Néanmoins, ces données EXIF peuvent être toujours disponibles sur les blogs, forum et sites en ligne, de presse notamment. Rien ne coûte donc de télécharger le plug-in Firefox pour voir en un clic si la photo contient des données GPS.
https://addons.mozilla.org/fr/firefox/search/?q=Exif&appver=27.0&platform=windows
e/ Veiller les communautés partageant de l’information sur un lieu ou le phénomène
Une veille attentive doit aussi permettre de savoir si des cartes collaboratives sont disponibles sur la situation et compléter les recherches. De même des communautés spontanées autour de la catastrophe (groupes Facebook le plus souvent), des communautés de compétences (météo, OpenStreetMap, photos, professions concernées par le sinistre…) et des communautés locales (sur une commune, un quartier…) peuvent être des sources de premier plan dans votre recherche continue d’information.
Cette liste d’endroits où rechercher l’information est loin d’être exhaustive et d’autres médias sociaux et applications doivent, dans l’idéal, aussi être parcourus.
III/ Vérification de l’information
Il est très difficile d’avoir une certitude à 100% sur la validité d’une photo publiée sur les médias sociaux. Rien ne prouve qu’un individu ne reprend pas une ancienne photo pour la mettre en ligne au moment de la catastrophe. Néanmoins, ces publications faussées sont vraiment négligeables en quantité et en impact opérationnels comparées à la masse d’informations valides et utiles qui y circulent. Il suffit souvent de croiser les informations, de connaître le contexte, pour se faire une première idée juste de la validité de l’info source. C’est donc plus pour des raisons de communication de crise que pour des raisons opérationnelles que je traiterai des techniques de vérification de l’information MSGU.
1/ Estimer la crédibilité d’un profil et sa présence sur les lieux du sinistre
De manière générale, plus l’information sera primordiale à vos yeux et l’auteur non repéré comme crédible, plus il faudra faire attention à vérifier l’information.
Avant de reporter une information, il convient tout d’abord d’essayer de remonter à la source, à la personne qui l’a publiée en premier. Cette tâche est loin d’être évidente. Ainsi, lors de l’accident ferroviaire de Bretigny en 2013, des journalistes ont demandé l’autorisation de publier dans leurs journaux une photo de cette catastrophe à une personne l’ayant diffusée sur les médias sociaux. Cette personne a donné son accord malgré le fait qu’elle n’en fut pas l’auteur et cette photo a été publiée dans la presse nationale.
Si vous pensez donc être arrivés à l’auteur de l’information, à son origine, plusieurs choses sont à vérifier.
Au moment de la publication, était-il sur les lieux de prise de l’information ? Connaît-il bien la région, y vit-il, avait-il prévu d’y venir ou, au contraire, a t’il montré qu’il ne pourrait y être ? Pour cela, il ne suffit pas de regarder simplement les mentions et publications sur son profil d’origine mais de repérer ses publications sur d’autres médias sociaux et ses références géographiques dans les moteurs de recherches.
De même, cette personne a-t-elle l’habitude de faire du sensationnel, a-t-elle déjà publié des contenus truqués ? Il faudra donc analyser ses publications antérieures pour se faire une idée de la crédibilité de l’information apportée en comparaison avec les éléments dont vous disposez ou que vous pouvez trouver sur la zone au même moment.
Enfin, il convient de prendre en compte le caractère subjectif de la publication. Par exemple, l’auteur, en situation de stress, peut être dépassé par la situation, faire des erreurs d’interprétation et de restitution de la réalité qu’il perçoit. C’est toujours difficile d’estimer la véracité de certains témoignages et c’est une des raisons pour lesquelles VISOV accorde bien plus d’importance aux photos, qui, même si elles contiennent une part de subjectivité, n’en restent pas moins bien plus objectives et porteuses d’informations. Cependant, en cas de doute sur l’objectivité du témoignage, il est préférable de faire remonter cette information aux secours, surtout en phase de la détection de signaux faibles, en signalant ses doutes. En effet, ces derniers disposent d’autres sources d’informations et de compétences leur permettant d’avoir plus de chances de confirmer ou non l’information.
2/ Vérifier si les photos n’ont pas déjà été publiées avant la date de l’événement
Lors d’un tweet signalant un accident ferroviaire, nous avons eu à vérifier l’origine d’une photo pour en trouver la localisation.
Oups!!! pic.twitter.com/S5nfIoUXLx
— Adrien Thomas ✈ (@THOMASADRIEN) 6 Février 2014
Nous nous sommes d’abord mis en correspondance avec l’émetteur de cette photo pour avoir plus d’informations sur sa localisation. Sans réponse rapide, nous avons fait des recherches sur cette photo pour en déduire que celle-ci datait déjà de plusieurs semaines et ne pouvait donc pas être considérée comme une urgence.
Dans ce but, nous avons enregistré cette image sur notre ordinateur et l’avons ensuite passée aux moteurs de recherche de deux outils : Google Image et Tiny Eye.
Les résultats montrent ici une image publiée sur un forum de cheminot (communauté de compétence intéressée par l’événement) plusieurs semaines avant.
Il faut noter que ces moteurs de recherche ne référencent que partiellement bien le web 1.0 et très mal le web 2.0 donc les médias sociaux. D’ailleurs, Google n’a toujours pas référencé la photo du tweet qui nous avait alertés, un mois après sa publication.
3/ Détecter les photos truquées avec FotoForensics
Pour détecter les photos truquées, FotoForensics est un très bon outil gratuit. Outre l’interrogation directe des données Exif et la recherche d’images similaires avec des liens directs vers les outils comme Google Image et Tiny Eye, il met surtout à disposition un outil d’analyse des modifications effectuées sur les formats d’images JPG.
Cette application a pour but d’analyser les niveaux d’erreur dans les compressions du JPG pour faire ressortir les modifications apportées à l’image d’origine (Méthode ELA – Error level analysis ou Analyses du niveau d’erreur). Ainsi, si une image n’a pas été modifiée, son résultat graphique dans FotoForensics sera relativement homogène. Si la photo a été modifiée, des couleurs plus contrastées, voir très irisées apparaîtront, en décalage avec le reste des tons de l’image.
Dans le cas ci-dessus, nous avons pris une photo d’inondation dans le Var. Nous l’avons modifiée en y changeant le nom du lieu sur le panneau de signalisation routière (sur la photo originale, l’inscription est : « Chemin du Lac », sur la photo modifiée, c’est : « Chemin du talus ». A l’analyse ELA de la photo 2, la zone modifiée apparaît clairement plus blanche, contrastant avec le reste des tons de l’image. La modification est ici assez clairement mise en évidence.
Une option d’analyse s’intéresse à la qualité de compression du JPG. Plus la qualité de compression JPG de l’image sera altérée, plus il sera difficile de voir les modifications. Néanmoins, un JPG altéré n’est il pas déjà le signe d’une photo de piètre qualité, probablement ancienne, ou de multiples fois copiées ? En tous cas, il s’agit d’une photo douteuse et qui peut-être estampillée comme telle.
Cette technique ELA n’est pas idéale et des interprétations difficiles peuvent avoir lieu sur certaines photos. Néanmoins, elle demeure utile dans bien des cas de photos douteuses et, avec l’expérience de ces analyses, les interprétations sont plus aisées.
4/ Détecter les vidéos mal attribuées géographiquement en comparaison d’éléments spatiaux avérés.
Dans ce domaine également, il n’y a pas de techniques passe-partout mais seulement des techniques qui peuvent être valables au cas par cas.
Outre les techniques d’analyse de crédibilité de profil valables pour toute vérification d’information, la principale technique pour vérifier la localisation d’une vidéo est de comparer les informations géographiques contenues dans les plans de vue de la vidéo avec les éléments de localisation qui sont mentionnés dans le texte de la publication y faisant référence. Il faut donc voir si des éléments repérables sur la vidéo (commerces, panneaux, bâtiments publics et autres points d’intérêts) correspondent bien à la localisation qu’en fait l’auteur. Pour cela, il faut comparer les éléments géographiques de cette vidéo aux vidéos ou photos antérieures ou à des sources cartographiques récentes et fiables.
Des logiciels payants existent également pour analyser les différences de niveau de compression des vidéos sur les images et ainsi détecter d’éventuelles retouches. Bien entendu, comme dans le cas des compressions JPG, leurs analyses ne sont pas forcément fiables.
5/ Sites ressources pour débusquer les rumeurs
En France, contrairement à l’Australie, il n’existe pas de mot dièse pour signaler une rumeur. De même, contrairement à la FEMA aux Etats-Unis, il n’existe pas de sites internet officiels permettant de les signaler.
Cependant, il existe des sites internet d’initiatives privées qui référencent les rumeurs et autres canulars comme le site HoaxBuster en France. Ce site peut donc être utile pour vérifier d’anciennes rumeurs refaisant surface au moment de la catastrophe mais il le sera beaucoup moins pour des rumeurs survenues au moment du sinistre.
Pour compléter cette panoplie, il faut donc suivre en temps réel les comptes officiels sur les médias sociaux pour se tenir au courant des corrections de rumeurs qu’ils apportent. Par exemple, il est très fréquent lors d’inondations que des rumeurs infondées de rupture de barrage se propagent. EDF gérant la plupart des barrages hydro-électriques en France, il est souhaitable de suivre leurs flux d’informations sur la situation. Enfin, l’information étant abondante sur les médias sociaux, il est aisé de voir que les communes en aval du barrage ne sont en réalité pas impactées. Pour cela, rien de mieux qu’une recherche par nom de lieux ou GPS en mode de détection de signaux faibles.
Si, en situation d’urgence, vous souhaitez passer votre temps à détecter les fakes plutôt que de le passer à rapporter la masse d’informations MSGU utiles aux secours, voici une liste inépuisable d’article et d’auteurs qui s’en font une spécialité :
http://emergencyjournalism.net/useful-links-verification-tools/
http://www.verificationhandbook.net/
Conclusion
En tant que jeune volontaire, nul besoin de connaître l’ensemble des techniques de recherche et de vérification MSGU par noms de lieux. Dans VISOV, les nouveaux venus font partie d’une équipe dont les compétences sont distribuées. A ce stade, il est bien plus important de reconnaître un impact localisé, avéré ou inéluctable. Dans ce but, VISOV réalisera des exercices sur la recherche et la détection de dommages en MSGU. Dans une partie 3, nous analyserons les techniques et outils de restitution des recherches d’informations MSGU par noms de lieux.
Article tres instructif sur les msgu. Ceci est un vrai guide en matiere de verificatiin d informations. Merci Cedric
Merci Sadikh. 1/ Comprendre ce que l’on cherche 2/ Savoir comment le chercher 3/ Vérifier ce que l’on a trouvé : un plan que j’ai voulu simple et clair pour cette deuxième partie relative à la recherche d’infos MSGU sur les dommages.
[…] Le bruit peut certes être réduit en utilisant des mots-clefs adéquats, mais l’établissement de ses listes lexicales est tortueux et doit se préparer en amont pour activer la veille dès le lancement d’une situation d’alerte. À simple titre d’exemple, Cedric Moro publiait ce champ lexical autour des inondations : […]